Mansplaining et manterrupting : quand les hommes confisquent la parole aux femmes

Vous ne cessez de vous faire interrompre en réunion par vos collègues masculins ? Vous êtes victime de manterrupting et de mansplaining ? Symbolones vole à votre secours !

Vous n’en revenez toujours pas : ce matin, un assistant tout juste embauché vous a expliqué avec condescendance comment faire votre job, alors que vous êtes directrice de votre service depuis des années. Par ailleurs, vous ne cessez de vous faire interrompre en réunion par vos collègues masculins, malgré vos tentatives de vous faire entendre. Pas de doute : vous êtes victime de manterrupting et de mansplaining. Symbolones vole à votre secours !

Mansplaining et manterrupting : c’est quoi, exactement ?

Mansplaining vient de l’anglais « man », homme, et « explaining », explication. En français, on parle aussi de « mecsplication ». Il s’agit d’un concept féministe né dans les années 2010, qui désigne une situation dans laquelle un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, voire dont elle est experte, souvent sur un ton paternaliste, condescendant (ou les deux).  L’expérience vécue par l’essayiste américaine Rebecca Solnit, qui a popularisé le terme, a fait le tour du monde. Lors d’une soirée, un homme entreprend de lui faire la conversation, à elle et son amie. La conversation dévie sur le photographe britannique Eadweard Muybridge – sur lequel elle vient d’écrire un livre. Malgré ses tentatives, aidée par son amie, de reprendre la parole et de lui faire comprendre qu’elle est experte du sujet, l’homme ne cesse de les interrompre, pour professer sur un ouvrage majeur paru sur le photographe. Ouvrage qu’il n’a visiblement pas lu… et qui n’est autre que le livre de Solnit. Depuis quelques années, les exemples et témoignages de femmes qui vivent ce type de situation affluent. Ici, un homme qui vous soutient mordicus, contre votre expérience, quel est l’effet de la menstruation sur les femmes, alors que vous en êtes une. Là, un collègue qui vous explique comment coder correctement alors que vous êtes une développeuse plus expérimentée que lui. Le manterrupting, contraction de « man » et « interrupting » désigne quant à lui cette tendance qu’on les hommes à couper la parole aux femmes. Phénomène très largement répandu dans les réunions d’entreprise, on peut aussi l’observer dans les médias. 

Pourquoi les hommes sont-ils spécifiquement visés ?

Après tout, on pourrait très bien se faire interrompre ou s’entendre doctement expliquer quelque chose par une femme, non ? Certes. Mais le womansplaining et womanterrupting n’existent ni en tant que mots, ni en tant que phénomène social. Mansplaining et manterrupting sont identifiés par le Haut Conseil à l’égalité (rapport de 2019) comme l’une des nombreuses manifestations du sexisme. Les deux phénomènes témoignent spécifiquement d’une sur-occupation de l’espace de discussion par les hommes, mise au jour depuis plusieurs décennies par les chercheurs. En 1975, une étude de Don Zimmerman et Candace West (Université de Santa Barbara) démontre ainsi que dans les conversations mixtes, les hommes sont responsables de 96% des interruptions, et qu’ils interrompent principalement les femmes – tandis que dans les conversations entre personnes du même sexe, les interruptions sont équitablement partagées. L’étude estime que « les hommes dénient aux femmes un statut égal en tant que partenaires de conversation »[1]. En 1998, deux professeur.es de psychologie conduisent une méta-analyse de 43 études comparant les interruptions des hommes et des femmes pendant les conversations. Le constat est sans appel : les hommes coupent la parole infiniment plus que les femmes. Différence notable : ils interrompent surtout pour disqualifier ou valider le propos d’autrui – là où les femmes ont tendance à compléter une information ou apporter encouragement, remerciements ou soutien[2]

Contre le mansplaining et le manterrupting : reprendre la parole en tant que femme

Si certains hommes pensent toujours mieux savoir que les femmes, c’est qu’on dénie souvent aux femmes un statut d’expertes. Les médias en sont le triste reflet : d’après le Global Media Monitoring Project, les femmes représentent à peu près 30% des experts interrogés. Pire : le temps de parole des femmes dans les médias français est deux fois plus faible que celui des hommes ! Il représente 32,7 % du temps de parole global à la télévision, et 31,2 % de celui de la radio. En réunion, les hommes capteraient de même 75% du temps de parole. Des mécanismes sociaux complexes et schémas inconscients – mais bien ancrés – nous pousse à moins écouter les femmes, considérer leur point de vue secondaire et leur expertise moindre. Pas étonnant que les femmes se sentent souvent moins légitimes que les hommes et doutent plus souvent d’elles-mêmes. Dès lors, comment mieux se faire entendre, gagner en légitimité et conserver la parole quand on est une femme ? D’abord, alerter sur ces agissements : RH, direction, animateur·rice de session, équipe de collaborateur·ricess peuvent travailler de concert pour rétablir l’équilibre, notamment en cas de manterrupting intempestif en réunion.

Ensuite, prendre conscience de nos difficultés à nous imposer constitue un début de réponse. Affirmer son droit à la parole est fortement conseillé ! Faire remarquer à quelqu’un qui vous interrompt que vous êtes en train de parler et qu’il doit attendre son tour, ou mettre fin aux mecsplications en réaffirmant votre expertise d’un sujet, ce n’est pas manquer de respect à votre interlocuteur, c’est faire montre de fermeté et de confiance en vous : « Tu viens de m’interrompre, je vais continuer ma démonstration » ; « Je te rappelle que je suis sur ce dossier depuis 3 mois, je sais ce que je dis ». Soutenir les autres femmes interrompues ou « mansplainées » est également une solution pour contrer ces phénomènes et faire prendre conscience aux intéressés qu’ils vont trop loin. « Elsa était en train de parler, peux-tu la laisser continuer s’il te plait ? » ou « Samia est notre responsable communication, elle sait déjà ce que tu es en train de lui expliquer ». Sous le mandat de Barak Obama, les collaboratrices de la Maison Blanche ont observé un phénomène, baptisé bropropriating : les hommes reprenaient les idées des femmes et se les attribuaient. Elles ont inventé la stratégie dite d’« amplification » : quand une femme avançait une idée, elles répétaient toutes cette idée en nommant celle qu’il l’avait eue. « Comme l’a dit Beverly en début de réunion », « Je tiens à appuyer la proposition de Beverly », etc. Cette stratégie a porté ses fruits, prouvant que la sororité est une arme redoutable.

Il ne s’agit évidemment pas de faire porter aux femmes la responsabilité des agissements sexistes dont elles sont victimes et de les enjoindre à trouver seules des solutions en dédouanant les auteurs. Cependant, chez Symbolones, nous pensons que la solidarité des femmes entre elles peut faire des merveilles ! Et si nous aidons les femmes à travailler leur posture, leur légitimité et leur assertivité, c’est parce que nous savons que leur permettre de prendre conscience de leur plein potentiel constitue une réponse forte au mansplaining, manterrupting ou tout autre phénomène sexiste. 

[1] Don H. Zimmerman et Candace West, “Sex Roles, Interruptions and Silences in Conversations”, 1975.

[2] Kristin J. Anderson et Campbelle Leaper, “Meta-Analyses of Gender Effects on Conversational Interruption: Who, What, When, Where, and How”, Sex Roles (39), p. 225-252, 1998.

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